Face à la nécessité de rétablir la paix dans un monde violent : un nouveau discours
Extraits d’un discours prononcé par John Graham, directeur de Giraffe Heroes International, au Centre de conférences international d’Accra Ghana le 24 mars 2016.
>> Retrouvez l'intégrité du discours (en anglais).
En tant que diplomate américain deux fois en poste sur le continent, je connais plutôt bien l’Afrique, j’y ai beaucoup d’amis et j’ai une grande affection et un grand respect pour les peuples africains.
Je m’y connais également un peu en matière de politique africaine.
Je sais, par exemple, que la réalité ou la menace de la violence n’est jamais trop loin sur ce continent. Je comprends la peur causée par les récentes attaques djihadistes contre vos voisins. Je sais également que la violence entre les états africains et dans les états africains est encore aujourd’hui causée par l’héritage des divisions issues du colonialisme, le tribalisme, les ruptures politiques, religieuses et idéologiques et les luttes classiques pour le pouvoir et les ressources.
Ajoutons-y, en plus, pour le Ghana, une élection très contextée en Novembre.
Pourrait-il se produire une violence électorale dans un pays en théorie aussi stable que le Ghana ? À ceux qui disent « non », laissez-moi vous rappeler ce qui s’est passé au Kenya il y a juste cinq ans.
J’aimerais donc vous faire part de mes pensées, principalement sur les menaces internes compromettant la paix ici au Ghana.
Je n’ignore pas Al-Qaeda et Boko Haram. Les djihadistes seront détruits non seulement par une action militaire, mais également par des attaques économiques et psychologiques visant à réduire leur capacité à attirer, recruter et financer leurs opérations. De plus, les forces de sécurité du Ghana sont compétentes. Ce n’est pas pour rien que les Nations Unies continuent de leur demander de participer à leurs opérations de consolidation de la paix.
Mais nous devons être réalistes. Il est impossible de protéger chaque cible vulnérable des attentats suicides, que ce soit ici ou en Californie.
Laissez-moi vous dire ceci : à mon avis, ce serait une grosse erreur pour les Ghanéens de trop se concentrer sur la menace djihadiste. C’est exactement ce que les djihadistes veulent que vous fassiez. Les djihadistes gagnent non pas grâce au nombre de victimes mais en terrorisant, en démoralisant et en distrayant les citoyens qui perdent espoir et détermination. Le système de gouvernance dans leurs pays commence ainsi à se désintégrer, et c’est alors que les vrais problèmes surgissent.
Ne permettez pas que cela se produise ici. Gardez la tête sur les épaules et gardez la tête haute.
En tenant compte de tout cela…
Comme nous le savons tous, la violence politique éclate lorsque les forces qui séparent les gens sont plus fortes que celles qui les rassemblent. Ces forces perturbatrices peuvent comprendre la corruption, les rancunes historiques, l’ignorance, la peur, les inégalités économiques et un mauvais leadership… Tout ceci engendre de la méfiance et la méfiance crée des stéréotypes qui, à leur tour, font augmenter la peur jusqu’à ce que la violence devienne presque inévitable.
Les groupes en conflit peuvent être des tribus, des partis politiques, les nantis contre les démunis, des religions ou des identités régionales. Comme tous ceux qui ont suivi les meetings politiques de Donald Trump aux États-Unis le savent, je ne parle pas que de l’Afrique.
Au Ghana comme ailleurs, les ressources pour lutter contre la violence comprennent l’armée et les forces de police, mais surtout un réseau stable d’institutions au sein du gouvernement, de l’économie, des médias et de la société civile, qui rassemble au niveau social et politique.
Mais vous savez tout cela… Je voudrais donc explorer le sujet un peu plus en profondeur aujourd’hui, en tant que diplomate aguerri qui a vu et a connu beaucoup de violence, quelqu’un qui porte beaucoup de cicatrices, quelqu’un qui n’est pas dupe.
Avec mon expérience, je suis convaincu que le meilleur moyen de lutter contre la violence ne réside pas seulement dans l’action des forces de sécurité et dans la stabilité des institutions, bien qu’elles soient sans aucun doute importantes. La paix doit commencer dans le cœur des individus.
Cela implique la création d’une nouvelle histoire, d’un nouveau mode de vie pour nous-mêmes et notre pays (au Ghana ou en Amérique), assez solides pour remplacer l’histoire ancienne nourrie par les forces perturbatrices de la corruption, des rancunes, de l’ignorance, de la peur, des inégalités économiques et d’un mauvais leadership.
Les personnes les mieux placées pour nous enseigner cette nouvelle histoire, le maintien de la paix, sont les Girafes.
Je ne parle des girafes à quatre pattes. Je parle des héros à deux jambes honorés par l’ONG que j’aide à diriger, le « Giraffe Heroes Project ». Nous les appelons « Giraffe Heroes » (les héros girafes) parce qu’ils prennent des risques pour faire du monde un monde meilleur et nous utilisons le mot « girafe » comme métaphore car les girafes sont les animaux au cou le plus long.
Les Giraffe Heroes sont des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, originaires de tous les milieux ethniques et économiques de plus de 60 pays. Ils s’occupent de tous types de problèmes sociaux, du racisme au changement climatique, de la violence des gangs et de la violence tribale aux crimes commis contre les femmes. S’il existe un problème public, des Giraffe Heroes sont là pour le résoudre. Depuis plus de 34 ans maintenant, nous en avons honoré plus de 1300. Vous pouvez lire leurs histoires sur www.giraffe.org
Notre stratégie au sein du Giraffe Heroes Project est simple :
Nous trouvons ces Giraffe Heroes et nous racontons leurs histoires dans nos publications, sur notre site web, dans les écoles et dans les médias traditionnels et les réseaux sociaux. D’autres lisent ou écoutent ces histoires poignantes et s’en inspirent pour résoudre les problèmes qui les préoccupent le plus. Nous leur offrons du matériel et des formations pour les aider à réussir.
Oui, c’est aussi simple que cela. Et, tout comme depuis des milliers d’années, la narration d’histoires fait une différence. Cela change vraiment l’attitude des gens et les fait agir de manières beaucoup plus puissantes que les remontrances et les menaces. Et nous avons des tonnes d’anecdotes pour le prouver.
Comme vous vous en doutez, nous essayons de comprendre ce qui fait vibrer ces individus extraordinaires. Pourquoi ces Giraffe Heroes font ce qu’ils font, pourquoi prennent-ils ces risques et pourquoi travaillent-ils si dur ? Personne ne les paye pour le faire. Personne ne leur demande de le faire.
Nombre d’entre eux nous disent, de manières diverses, que cette question est ridicule. Le problème ou conflit était juste devant eux, nous racontent-ils, et personne ne faisait rien. Quoi d’autre étaient-ils censés faire ?
Mais plus vous parlez avec eux et plus il est clair que les Giraffe Heroes sont motivés par un fort sentiment que ce qu’ils font a du sens pour eux, c’est-à-dire que leur action est en accord avec une motivation personnelle au cœur de leur être.
C’est cette conviction profonde qui les pousse en avant. C’est ce qui les rend si efficaces dans la résolution de problèmes et inspire les gens qui connaissent leurs histoires.
John Graham est l’auteur de « Stick Your Neck Out ; A Street-smart Guide to Creating Change in Your Community and Beyond » (San Francisco : Berrett-Koehler, 2005) et de « Sit Down Young Stranger » (Langley : Packard Books, 2008). Il est également le président du Giraffe Heroes Project www.giraffe.org et un ex-diplomate américain.