Les 11 et 12 juillet derniers, lors du Forum de Caux pour la sécurité humaine, s’est tenu un débat sur la situation méditerranéenne avec une trentaine de témoins et acteurs des révolutions égyptienne et tunisienne, et de responsables politiques ou experts d’autres pays. L’objectif était d’établir un dialogue franc face à cette situation inédite qui bouleverse le paysage politique mondial. Frédéric Chavanne nous dévoile une partie de ces échanges.
« Le Nord a toujours traité nos peuples comme mineurs en n’entretenant de relations qu’avec les gouvernements. Il n’y a pas de peuples mineurs, ni en Egypte, ni en Tunisie. Dix pour cent des Tunisiens sont des docteurs. 350 000 étudiants sont diplômés chaque année. Nous pouvons prendre des décisions. Nous vous demandons de choisir vos interlocuteurs dans le peuple. » Cette déclaration de l’avocat et homme politique tunisien Abdelfettah Mourou illustre bien la franchise des échanges.
La franchise était au rendez-vous également dans les propos d’Etienne Pinte, parlementaire français très impliqué dans les relations avec les pays arabes : « nous avons vécu sur l’idée que nous pourrions nous satisfaire des avancées réalisées en mati ère de statut de la femme, d’éducation et de lutte contre le terrorisme pour accepter la dictature, a-t-il affirmé. Nous devons aujourd’hui faire preuve de beaucoup d’humilité et de modestie. Nous nous sommes trompés sur les aspirations des peuples arabes. » De même les conseils avisés de Vicent Garcés, ancien député européen spécialiste des transitions démocratiques, fondateur de l’Assemblée des Citoyens et Citoyennes de la Méditerranée, transmettant les bases de la construction de nouvelles institutions.
Les participants tunisiens et égyptiens exprimaient à la fois le formidable espoir suscité par l’effondrement de la dictature et l’inquiétude de ne pas pouvoir confirmer les acquis de leur révolution : comment éviter l’effondrement de l’Etat, apprendre le fonctionnement de la démocratie après des décennies de glaciation politique, permettre à chaque composante politique de trouver sa place, notamment les partis islamiques, qui pèsent lourd dans l’électorat mais suscitent de nombreuses de craintes tant en occident qu’au sein de certaines catégories de la population ?
Le soutien réel et impartial de l’occident aux révolutions arabes a été mis en question, ce soutien paraissant privilégier les partis les plus occidentalisés. « La confiance entre les deux rives de la Méditerranée doit être gagnée, a affirmé Ridha Driss, l’un des organisateurs de la rencontre. Nous avons besoin de signaux forts et de l’aide des démocrates. Il nous faut de notre côté mettre en place une démocratie qui assure des gouvernements responsables. »
Tandis que la situation égyptienne reste incertaine, l’étape franchie en Tunisie le 23 octobre dernier avec les élections donnant une légitimité populaire à l’assemblée constituante porte l’espoir qu’une première série d’obstacles a été surmontée et que les Tunisiens sauront mener à son terme le processus de transition dans lequel ils sont engagés et dont tous les peuples épris de liberté pourront s’inspirer. Le forum de Caux restera quant à lui à la disposition des acteurs impliqués de près ou de loin dans ces changements pour y établir de nouveaux rapports Nord-Sud, dégagés des pesanteurs du passé et porteurs de relations internationales d’une qualité nouvelle.
N.B : Des individus de toutes cultures, nationalités, religions et croyances sont impliqués et actifs avec Initiatives et Changement. Ce texte représente le point de vue de l’auteur, pas nécessairement de toute l’organisation Initiatives et Changement.