Deux « Cercles de Paix » se sont déroulés en février 2014 dans le comté de Nakuru, au Kenya. La recherche de paix intérieure, de pardon et de guérison intérieure sont toujours essentiels dans ce programme.
« Maintenant c’est assez, il est temps pour nous de nous prendre en main et de changer cette communauté nous-mêmes. » Ce sont les femmes de Naivasha qui s’expriment ainsi durant le récent séminaire des Artisans de Paix. Ce séminaire se déroula du 10 au 12 février 2014, à Naivasha, au Kenya avec 20 participants dont 5 hommes. Cette présence masculine fut la conséquence d’une requête exprimée lors de séminaires précédents. Les femmes avaient insisté que si leurs maris pouvaient participer aux cercles de Paix, il serait alors plus facile de créer la paix dans la famille et ils pourraient (les hommes) contribuer à répandre la paix dans les « maskani » (diverses réunions). Ce fut un grand moment de les avoir et de les entendre partager leurs expériences.
Naaivasha est un des endroits chauds du Kenya, où il suffit d’une petite erreur pour provoquer une grande violence et des dégâts. Cela a été le cas durant les émeutes qui ont suivi les élections en 2007 et 2008. Même plus tard, les conflits ont continué entre les bergers Maasai et les agriculteurs qui veulent les mêmes terres. Etant donné le côté cosmopolite de la région, nous espérions que le séminaire encouragerait la guérison personnelle, l’acceptation, le pardon et la réconciliation, toutes valeurs qui permettent aux communautés de vivre ensemble dans la paix et l’harmonie.
Les moments de réflexion en silence aidèrent les participants à admettre leur contribution aux problèmes, aux conflits, et à apprendre à demander pardon, à pardonner et à accepter l’autre pour vivre en bonne harmonie.
« J’étais très amère, et pour moi le mot pardon n’avait pas de sens. Œil pour œil était ma devise. Mais quelque chose m’a touchée, et je suis convaincue que le pardon est la voie vers la guérison. J’ai appris qu’en communiquant on met des questions sur la table, on permet aux gens d’en parler et on trouve des solutions, » dit Elisabeth.
Pour Isaac, un animateur communautaire : « je travaille avec la communauté et l’essentiel de mon travail implique l’écoute des autres. Je ne savais pas jusqu’à aujourd’hui que j’étais si mauvais dans ce domaine. Maintenant je m’engage à écouter jusqu’au bout avant de parler, de juger ou de donner des conseils. »
Les ambassadeurs de la paix – Mai Mahiu
Du 27 février au 1 mars eut lieu une autre expérience étonnante des Cercles des Artisans de Paix. C’était à Mai Mahiu, une ville située entre Naivasha et Narok. Le séminaire rassembla 17 femmes de divers endroits de la ville en incluant même deux femmes Maasai.
Tout comme à Naivasha, Mai Mahiu a des problèmes entre les Maasai qui sont à la frontière entre Narok et les autres tribus de la région. De nouveau, les Maasai veulent les terres pour y faire paître leurs troupeaux, tandis que les autres communautés en ont besoin pour leurs cultures. Comme d’autres parties du pays, celle-ci fut marquée par la violence post-élections.
C’est avec passion que les femmes partagèrent leurs expériences personnelles. Comme d’habitude, un moment a été attribué à chacune pour partager son récit de vie, si elle avait le courage de le faire. Bien que n’étant pas une thérapie en soi, cette action a un effet thérapeutique. L’histoire de chacune est différente, importante et spéciale.
En écoutant l’une d’entre elle, Hannah, âgée de 52 ans partager son histoire, toutes les personnes présentes étaient en larmes : « Je suis l’aînée d’une famille de 10 enfants. Mes parents me faisaient tellement travailler que je n’avais jamais le temps de me concentrer sur mes devoirs scolaires. En conséquence, j’ai dû quitter l’école primaire. Mes parents me punissaient aussi pour toutes les petites bêtises que faisaient mes frères et sœurs. Tout cela parce que j’étais l’aînée. On a loué mes services comme domestique et mon père prenait mon salaire pour payer les frais d’école d’une de mes sœurs, oubliant qu’il m’avait privée de la possibilité d’étudier. En plus j’étais une fille et il me fallait certaines choses personnelles. Comme si cela ne suffisait pas, 3 ans plus tard, on m’a mariée, sans mon consentement, à un homme de 60 ans. Au début on m’a fait croire qu’il était mon nouveau patron, et c’est seulement plus tard dans la nuit que j’ai appris qu’il était mon mari et il avait même payé une dot à mes parents ! »
« Mon père est mort des années plus tard. Dieu a béni mon mariage de 8 enfants. Mon mari est aussi mort, me laissant seule pour gérer la famille. Même ma mère ne voulut pas m’aider. En fait elle acheta même un terrain, indiquant clairement qu’il était pour « ses » enfants (mes frères et sœurs) ce qui me fit me demander de qui moi j’étais l’enfant. J’ai vécu dans l’amertume, sachant que personne ne m’aimait, personne. Je n’ai jamais parlé de cela de toute ma vie. Je savais que ça n’intéressait personne et que personne ne m’écouterait. Je suis heureuse que ce forum soit venu, il est venu spécialement pour moi. Je me sens soulagée, dans mon cœur, que vous ayez pris le temps et offert de m’écouter. Je n’ai jamais pensé que je pourrais pardonner à ma famille, mais maintenant, je vais aller voir ma mère et faire la paix avec elle. Je vais lui pardonner et à mon père aussi, de leur discrimination, la manière dont ils m’ont négligée et de m’avoir mariée comme ils l’ont fait. »
Nous voulons exprimer ici notre appréciation pour le fond « Friends of Africa » qui a soutenu ce séminaire.
Rapport par Annie Gitu et Esther Inzekellah
Traduction par Eliane Stallybrass