Vouloir ou provoquer le changement autour de nous
Cinquante ans, ce n’est pas une durée insignifiante si l’on pense au temps qu’il faut pour que quelque chose qui devrait changer change effectivement. C’est encore plus vrai lorsque ledit changement doit venir de quelqu’un d’autre. Ainsi, la conjointe d’un fumeur soupire de plaisir quand, après un demi-siècle d’exhortation, son mari arrête enfin de fumer pour raison de santé. Pendant toutes ces années, cette épouse dévouée avait engagé son mari à cesser de fumer sans jamais avoir gain de cause. Les deux vivent désormais une heureuse nouvelle vie commune.
On peut comparer le scénario ci-dessus aux multiples situations pénibles qui existent dans le monde d’aujourd’hui. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la volonté qui pousse certains groupes à faire usage de leur force et de leur pouvoir ou de leur supériorité technologique pour s’emparer de ce qu’ils désirent, sans égard pour les conséquences possibles envers les pauvres et les déshérités. Il ne faudrait pas que cet état des choses entraîne une certaine complaisance, notamment parmi les sociétés qui ont été soumises à une domination extérieure au cours du vingtième siècle en Afrique, en Asie, et bien avant en Amérique latine. Les « vents du changement » des années 60 ont secoué presque tous les pays africains et les ont conduits à s’affranchir des puissances occidentales. Une fois leur autonomie acquise, les populations de ces Etats se sont mises espérer un changement. Dans presque toutes les anciennes colonies, les citoyens s’attendaient à ce que les choses changent, s’améliorent. Près d’un demi-siècle plus tard, ce changement continue d’être quelque chose que nombre de pays aimeraient voir se réaliser. On pourrait donc dire sans se tromper qu’il ne suffit pas de « vouloir le changement ».
Initiatives et Changement met l’accent sur le rôle décisif que joue la personne soucieuse de changement pour amener le changement désiré. Il ne s’agit pas ici d’une réflexion philosophique. Pendant deux ans, je n’arrêtais pas de vouloir voir quelque chose arriver. A la fin j’étais tellement désespéré que j’étais sur le point de décider d’abandonner. C’est dans cet état d’impuissance qu’une révélation s’est faite jour : c’est ma façon de penser au cours de ces deux années qui m’a amené à conclure que j’avais échoué. Chose intéressante, pendant tout ce temps mon désir était de l’ordre de la prière. Soudain, un soir, il m’est venu à l’idée que l’échec était nécessaire pour qu’un miracle puisse montrer son vrai visage. Il fallait que je change ma propre perception des choses. L’histoire d’un défi auquel deux jeunes femmes furent confrontées il y a 2000 ans, quand ce qu’elles désiraient ne leur était pas accordé, est venue à ma rescousse. Le frère de ces deux jeunes femmes, Lazare, était gravement malade, mourant. Elles avaient un ami, un faiseur de miracles, qu’elles informèrent de l’état de leur frère. L’ami reçut le message mais décida de ne pas faire ce que les deux femmes souhaitaient : guérir leur frère. Au lieu de cela, il laissa mourir le frère, d’abord, puis le ramena à la vie ! (tiré de la Bible, Jean 11, 1-45).
Une fois ma manière de voir changée, j’ai pu constater des changements se réaliser autour de moi. Un vaste champ de confiance et d’espoir s’ouvrait à moi. Il m’est apparu que si, moyennant la puissance divine une personne décédée pouvait ressusciter, comme ce fut le cas avec Lazare, rien n’est impossible. Là où il y a la foi, il n’y a pas d’échec. Mon désespoir pris fin. Une semaine plus tard, j’appris que ce que je voulais et croyais être hors de ma portée, m’était finalement accordé !
La réflexion ci-dessus s’entend à trois niveaux différents. Premièrement, à un niveau personnel : l’épouse avait durant toute sa vie désiré voir son mari cesser de fumer. Mon histoire personnelle est du même ordre. Deuxièmement, au niveau du groupe. La famille de Lazare aspirait collectivement à le voir guérir – survivre. La collectivité peut consister en une société tout entière (un groupe ethnique) ou en une nation. Enfin, au troisième niveau, le désir peut se situer au niveau continental ou même mondial. Le facteur décisif et très souvent manquant qui régit le changement – la transformation des choses devant et autour de nous – pourrait bien être le changement intérieur dont nous sommes capables.
Namboka Ireneo Omositson a quitté les Nations unies après 15 années de service durant lesquelles il exerça différentes fonctions. Avant d’entrer aux NU, il a fait partie pendant 13 ans du corps diplomatique ougandais. Lorsqu’il était aux NU, il a participé à trois missions de maintien de la paix en Haïti, au Rwanda et au Libéria.
En 2008, alors qu’il était en mission spéciale comme conseiller principal auprès du Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour l'Afrique de l'Ouest, il a occupé la fonction de Chef de la Division des droits de la personne et de l’égalité des sexes.
Depuis son départ à la retraite, M. Namboka continue d’œuvrer en faveur de la défense des droits de l’homme, de la justice transitionnelle et de la consolidation de la paix en menant des actions créatives - conférences publiques, écrits et formations.
M. Namboka possède la double nationalité ougandaise et française, est marié et est le père de six enfants.
NB : Des individus de toutes cultures, nationalités, religions et croyances sont impliqués et actifs avec Initiatives et Changement. Ce texte représente le point de vue de l’auteur, pas nécessairement de toute l’organisation Initiatives et Changement.
Traduction par Camille De Stoop